Les articles

300 mots et une sélection de références autour d'un sujet géographique

Les brouillons

Idées griffonnées dans la marge des feuilles de cours

Les notes

Quelques mots des conférences, colloques, films, rencontres, etc.

Les photographies

Dans la besace du géographe, des photographies de quelques terrains parcourus

Les instantanés

Journaliste en vadrouille sur les routes de France et de Navarre

Géographie des jardiniers

Et pourquoi pas. Parce qu’on ne peut pas faire de la géographie sur tout ? … Peut-être… En l’occurrence, celle-ci existe. Elle n’est pas anglo-saxonne à proprement parler. Mais nous vient de l’Australie. Bref ! Au cours d’une pérégrination estivale, j’ai poussé la porte d’un jardin de la Brière, le jardin du marais. Là-bas, il est fort difficile de déambuler au calme de la nature. Non il faut faire avec le jardinier. Un poème à lui tout seul. Un jardin, son jardinier ou plus sûrement ses jardiniers.
 Imperial Gardening Commander by © Balakov
Imperial Gardening Commander by © Balakov

Évidemment, il faut commencer par définir son objet de recherche. Les géographes australiens se sont souciés du jardin, en ville. En même temps, ils n’ont pas tout à fait tort puisqu’ils surfent ainsi sur nos préoccupations bien vertes : les espaces verts, la trame verte, le corridor écologique ou biologique… Et le vert en ville, c’est d’abord des jardins, pour environ la moitié du vert. Tout dépend de quelle ville on parle me direz-vous ! Et les jardins s’étalent à peu près, sur un tiers de la surface totale d’une ville (très occidentale, voire très anglo-saxonne). Donc ce n’est pas non plus un petit objet de recherche anodin… On l’a même taillé. En plus de le débarrasser du jardin à la campagne, on lui a confisqué les jardins publics, parcs et squares en tout genre mais surtout les jardins ouvriers. Un jardin est donc un terrain attenant au domicile (propriété ou location), souvent clos. Attention, le jardinier n’est pas toujours le propriétaire du jardin ! Ce serait trop facile. 

Les jardiniers qui ont eu l’honneur de recevoir la visite de nos géographes australiens sont surtout des migrants. Pourquoi ? Parce que tout comme il est plus facile de s’intéresser aux jardins, en ville, dans un pays très urbanisé ; il est tout autant commode d’interroger des migrants dans un pays façonné par les migrations. Et puis après tout, la comparaison est une méthode éprouvée. Alors pourquoi ne pas explorer ce thème en comparant un jardin grec à un jardin vietnamien. 

Côté méthodes, on emploie l’entretien semi-structuré, l’observation des jardins, la photographie, la cartographie. A noter que le jardinage est marqué par les saisons. Attention à ne pas comparer une population en plein hiver, l’autre au printemps. Il y aura comme un biais.

Notre jardinier est souvent une jardinière ! Contrairement au jardin ouvrier… il était donc peut-être tout à fait légitime de le sortir de l’objet de recherche. Mais Monsieur n’est pas non plus personne non grata dans son jardin. Pourquoi jardine-t-on ? Pour se faire plaisir, pour pratiquer une activité physique, pour se recueillir… Ceci est une vision assez occidentale : le jardin est un espace récréatif, un espace de loisir. Avec une évolution vers la passivité. Les deux paramètres à concilier sont la valeur esthétique et l’entretien facile.

Chez les autres, c’est un peu différent. D’abord, le jardin produit. Il produit tout ou partie des légumes, des fruits et des herbes. Parce qu’acheter frais, c’est cher mais aussi parce qu’on ne retrouve pas toujours ses aliments préférés dans un nouveau pays. Alors l’arbuste qui fait de jolies fleurs, l’arbre qui fait de l’ombre ou la plante qui sent bon, c’est pour devant ! Il y a très souvent une différence d’attention entre le jardinet devant et le jardin à l’arrière de la maison. Le jardinet fait beaucoup dans l’apparence. Ici, faire « australien », montrer sa volonté d’intégration dans ce nouveau pays. Mais à l’arrière, c’est un autre monde. Le jardin peut être une reproduction de ce que l’on a laissé derrière soi. Il y a une certaine nostalgie. Comme un musée. Parfois les choses sont un peu idéalisées. En particulier, lorsque la migration est brutale (conflits, dictatures). La plupart des Vietnamiens par exemple, n’avaient pas de jardin au Vietnam. Ils construisent un mythe. Le jardin sert aussi à cultiver d’autres marqueurs identitaires : la cuisine bien sûr ou encore l’utilisation de plantes médicinales. Enfin, une chose que l’on ne change rarement lors de sa migration, c’est sa religion. Or les bouddhistes et les hindouistes pratiquent la méditation et le recueillement au quotidien. Le jardin peut donc devenir un espace sacré, avec ses statues. Plus sûrement, le jardin produira des offrandes que l’on offrira aux dieux ; ce sont des fruits, des fleurs.

Un jardin, c’est un jardinier ou une jardinière ou les deux, ou plusieurs. Et je laisse à d’autres le débat : nature ou culture ?


Bibliographie sélective :
CAMERON Ross WF, BLANUSA Tijana, TAYLOR Jane E, SALISBURY Andrew, HALSTEAD Andrew J, HENRICOT Béatrice, THOMPSON Ken, (2012), “The domestic garden – Its contribution to urban green infrastructure”, p 129-137, dans Urban Forestry & Urban Greening, Vol 11
DOMENE Elena, SAURI David, (2007), “Urbanization and class-produced natures: Vegetable gardens in the Barcelona Metropolitan Region”, p 287-298, dans Geoforum, Vol 38
GRAHAM Sonia, CONNELL John, (2006), “Nurturing Relationships: the gardens of Greek and Vietnamese migrants in Marrickville, Sydney”, p 375-393, dans Australian Geographer, Vol 37 n° 3
HEAD Lesley, MUIR Pat, HAMPEL Eva, (2004), “Australian Backyard Gardens and the Journey of Migration”, p 326-347, dans The Geographical Review, Vol 94 n° 3
KIRKPATRICK JB, DANIELS GD, ZARGORSKI T, (2006), “Explaining variation in front gardens between suburbs of Hobart, Tasmania, Australia”, p 314-322, dans Landscape and Urban Planning, Vol 79
MAZUMDAR Shampa, MAZUMDAR Sanjoy, (2011), “Immigrant home gardens: Places of religion, culture, ecology, and family”, p 258-265, dans Landscape and Urban Planning, Vol 105
POWER Emma R, (2005), “Human – Nature Relations in Suburban Gardens”, p 39-53, dans Australian Geographer, Vol 36 n° 1

Aujourd’hui, un agriculteur ardéchois empoche un million d’euros* chaque année, au nom des sources de la Loire

© vincentfavre
The winter ends... by © vincentfavre
Situation qui perdure depuis 2003. 

* Un million n’est qu’une estimation, probablement un peu élevée d’ailleurs puisque la fréquentation du site est estimée à 500 000 visiteurs par an, l’accès au site est de 2 euros par personne. Mais qui accepte de payer un droit d’entrée sur les sentiers du mont Gerbier de Jonc ?

En vérité, toute cette histoire est une histoire d’hommes. Les Egyptiens furent forts désappointés apprenant que leur Nil ne prenait pas sa source sur leur vaste territoire. Les Ethiopiens ont par la suite jalousé un Nil blanc, rabaissant leur Nil bleu au rôle de source secondaire. Et ce Nil blanc est-il issu du lac Victoria, vaste pièce d’eau aux rives divisées par trois Etats ? Rien n’est moins sûr et le Rwanda s’enorgueillit de posséder LA source du grand fleuve africain. 

La Loire, c’est pareil. A plus grande échelle. Ici les familles Ceyte et Champel parmi d’autres, mènent leur combat pour authentifier, attester, légaliser, certifier un filet d’eau. Les communes de Sainte-Eulalie et de Saint-Martial s’en frottent les mains. Qui récupéra les sources de la Loire ? 

Dans l’agitation qui règne depuis la fin du XIXe siècle en ces contrées ardéchoises, Monsieur René Ceyte a décidé, par un beau jour de printemps 2003, d’installer clôtures électriques et tourniquet autour des sentiers du mont Gerbier de Jonc. Tourniquet qu’il a largement déplacé, histoire d’agacer un peu plus Monsieur Champel lui-même propriétaire d’un restaurant qui avait donc, auparavant, pignon sur le sentier. Monsieur Ceyte a, pour compléter son plan, installé une caravane et réclame pour la montée du mont, une participation de deux euros. 

Monsieur René Ceyte est agriculteur, que dis-je, un homme d’affaires… Le Monsieur est certes propriétaire de la majorité des terrains agricoles que constituent le mont (le second propriétaire étant la mairie de Saint-Martial) mais aussi d’un restaurant, d’un gîte d’étape, etc.. 

Le mont Gerbier de Jonc est donc privé, il est vrai. Est-il protégé ? Si on veut… affaire de jugement. Le site ainsi que les sources de la Loire sont répertoriés ZNIEFF, niveau 1. En français dans le texte : Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Bien entendu, le niveau 1 est le plus faible. Ce zonage n’a aucune valeur juridique, ce n’est pas moi qui le dit mais le gouvernement lui-même : ici. Le propriétaire d’un terrain en ZNIEFF n’a aucune obligation d’ouvrir au public cette zone d’intérêt. Monsieur Ceyte pourrait refuser l’accès au mont Gerbier de Jonc. Par chance, Monsieur Ceyte aime rentabiliser les choses. Il pourrait donc installer une (des) antenne(s), une éolienne ou que sais-je, quelque chose lui rapportant de l’argent, au sommet du mont ? Oui, il le peut. Par bonheur, le sommet du pain de sucre est peu abordable aux véhicules. A quoi sert cette fichue zone d’intérêt ? En théorie, à réaliser un inventaire des espèces remarquables. Elle n’a donc qu’une valeur scientifique. Et au vu de son dernier catalogue, ici, peu de scientifiques sont venus se perdre sur le plateau ardéchois, ou, les propriétaires concernés ont refusé l’accès à la zone protégée. Monsieur Ceyte reçoit-il de l’argent, rapport à cette zone remarquable ? Non, aucunement. 

Evidemment, la situation ne plaît pas trop à nombre d’acteurs locaux, autres que Monsieur Champel. Et puis à nombre de visiteurs par la même occasion. C’est d’ailleurs un des rares sommets français, si ce n’est le seul, payant. Les sites « naturels » remarquables ne font d’ailleurs pas l’objet d’un droit d’entrée en France. C’est le parking qui est payant ! 

Il y a déjà eu des poursuites judiciaires. Les juges ont estimé que le péage ne renfermant pas l’ensemble des sources de la Loire, il pouvait se maintenir. Il y a d’autres projets. Le plus médiatisé reste celui du Conseil général mais il est encore loin de sa phase de réalisation ! Si la situation perdure, c’est principalement le fait d’un accord entre deux hommes Monsieur René Ceyte et Monsieur Alain Chauvy, le maire de Saint-Martial, autre propriétaire des terrains agricoles sur le mont. S’il est besoin de préciser, l’accord est opaque et nul ne sait où passe près d’un million d’euros chaque année.

En fait, Pau c’est au Sud

Le 8 juin 2012, 12h30 et le soleil cogne, accompagnée d'un Nagra en fiole
Oui, parce que dans les livres de géographie, Pau se situe dans la montagne. Mais lorsque le géographe sort de son cabinet, le terrain réserve parfois ses surprises.

Il n’était donc point prévu les trente degrés Celsius trois jours durant dans une ville pleine d’odeurs et… sale ; avec des gens qui parlent fort, tard le soir. Oui, il est possible de croiser du monde passé 22 heures dans les rues de la ville... Ah et les chèques ne sont pas acceptés. Vice typique du Sud !

© Le musée Bernadotte
© Le musée Bernadotte
Et ils ont eu la chouette idée de faire un palais sur la place centrale : le palais des Pyrénées. Un truc horrible : 10 000 m² de centre commercial, 2 500 de bureaux, un parking pour tout ce beau monde évidemment… En plus un truc mal conçu où tu n’as pas the avantage du centre commercial : être à l’abri (je n’ai pas un tropisme nordique pour rien !). Bah oui, être à l’abri du soleil et des averses. Sur ce point, les livres ne nous avaient point menti, Pau est une cuvette. Et même pas de Mac Do' !

Bref un truc horrible œuvre de feu Monsieur André Labarrère. Oh moins Georges Frêche a eu l’intelligence de construire son horrible Odysseum à quatre kilomètres du centre de Montpellier. Bref un urbanisme du Sud pour une ville du Sud.

Once upon a time

© Duy Huynh
Mary Kingsley, lors d'une conférence au Cheltenham Ladies College, en 1898 
Once a hippopotamus and I were on an island together, and I wanted one of us to leave. I preferred it should be myself, but the hippo was close to my canoe, and looked like staying, so I made cautious and timorous advances to him and finally scratched him behind the ear with my umbrella and we parted on good terms.

Il fait bon sous les marronniers

Image trouvée sans copyright
swan
Le 25 mai 2012, 16h30, accompagnée d'un Nagra Ares-C
Ce matin, j’avais la bonne idée. Les maîtres nageurs de la ville de Paris sont en grève. Quelle mouche les a piqué alors que les premiers beaux jours apparaissent ? Sauf qu’ils ne sont pas si fous et qu’ils bloquent les piscines entre sept heures et huit heures et demies. Mon reportage ne tenait plus. 

Sauf que c’était une bonne idée. Que le rédacteur en chef de la journée l’avait repéré. Et qu’il comptait bien sur un sujet beau temps. Avoir deux idées brillantes sur un sujet beau temps relève du miracle. Il n’y a pas eu de miracle. 

Je partis donc en direction du parc Citroën, histoire de remplir mes poumons de ces cochonneries de pollen. Mais l’allée des Cygnes m’a retenue.

Un bout d’île artificiel sur la Seine. Un morceau de terre pas seulement emprunté par les touristes. D’ailleurs bien peu viennent à la statue de la liberté. On y trouve de l’herbe qui dépasse. Et les amoureux aiment s’y rouler. 

Alors j’ai interrogé les gens de passage qui cherchaient l’ombre, les habitants du quartier qui protègent jalousement leur petit coin. Je leur ai demandé de décrire l’île, ces soixante espèces d’arbres. Je leur ai fait parler des cygnes et du fleuve. Je leur ai volé quelques souvenirs de jeunesse. Je leur ai fait réciter leur leçon sur Bartholdi. Je les ai provoqués et dû les adoucir. Sur un bout d’île. 47 secondes.

NB : Le marronnier signifie la richesse, le luxe. Les journalistes le détestent ou l'aiment trop, au choix. Tout ça à cause d'un foutu marronnier ayant décidé de fleurir tous les ans avec une régularité déconcertante le 20 mars, c'est-à-dire en avance, Cours-la-Reine à Paris, sur une tombe. Mais on aurait pu choisir la valériane, qui signifie la facilité...

Des crêpes, des galettes et des Bretons

© Ink + Wit
© Ink + Wit
Le 26 février 2012, 17 heures, accompagnée d'un Nagra Ares-C
A Quimper, il y a un chouette jeu à faire. Quelques jours avant ton excursion en ces contrées bretonnes, tu interroges tes amis bretons ou bretonnisants, non ce n’est pas du tout pareil. « C’est où la meilleure crêperie ? » Périple des papilles garanti ! 

Il se trouve que dans une vie précédente, je fus crêpière. Dans les marches de Bretagne. Ce No Man’s Land que tu identifies facilement sur des cartes électorales (plutôt résultats par communes). Une zone sous influence du Poitou et de la Bretagne. Alors en matière de crêpes et de galettes, le terroir est fort perturbé par ces dominations culturelles ainsi que par un impératif économique : attirer le chaland parisien. Nous faisons donc des choses salées, d’autres sucrées, certaines au sarrasin. Nous appelons ces choses des crêpes ou des galettes, c’est selon… le client. Pas de quoi s’offusquer ! 

A Quimper, ils ne font que des crêpes. Avec des choses au sarrasin dedans, hein. On est en Bretagne quand même. Mais a s’appelle des crêpes. Il parait que c’est comme ça dans la Basse Bretagne. 

La Basse Bretagne ? Parce qu’il se trouve que le lieu dont je te parlais au dessus, oui le No Man’s Land, est parfois appelé Basse Bretagne… par les Bretonisants. La règle veut que les hautes et basses quelque chose soient une question d’altitude. Mais tu connais les Bretons : la Basse Bretagne est plus haute que la… Haute. Bien des gens pensent que c’est une question d’orientation Nord/ Sud. Bah oui, une en haut, une en bas. D’où les Bretonnisants de ma zone, parce que nous, on est en bas. Sinon, c’est une question de langue. Non, on ne parlait pas breton dans toute la Bretagne… Oui, le jour où les Bretons, ce seront déjà mis d’accord. Bref, les crêpes de sarrasin étaient fort bonnes !