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No 94 - Point presse à la mode burkinabé


Ouagadougou, le 26 août 2010, 12h 

Ils auraient dû choisir une salle encore plus petite. La table carrée est immense, les rangs de journalistes touchent les fauteuils des maîtres. 


Léonce Koné, oui un cousin, préside le point presse qui tente de répondre aux inquiétudes de la population sur la disponibilité et le prix des produits domestiques en période de ramadan. Il est accompagné des DG de Diament Ciment (monopole sur le ciment), Sodisucre (monopole sur le sucre), SONABHY (monopole sur les hydrocarbures) et de deux labels de grande distribution. La direction générale des impôts assistait également aux festivités. Et la ligue des consommateurs était représentée par son président. 

Le ministre du commerce, probablement dérangé durant son congé, lisait son papier sans toutefois bien comprendre les tenants et les aboutissants de ces augmentations. 

Plusieurs problèmes bien distincts se posent simultanément. 

Pour le sucre, l’affaire est simple. La production est suffisante ; la Sodisucre n’a pas modifié ses prix. Le boutiquier profite simplement de cette période de jeûne pour augmenter ses prix. 

Pour le ciment, la production n’est pas suffisante en raison des constructions du Cinquantenaire à Bobo-Dioulasso. Diament Ciment se propose d’importer auprès de la filière nationale ghanéenne du même groupe les 30 000 tonnes de ciment manquantes. 

Du côté de l’essence, le consommateur subit une augmentation de 6% depuis le 11 août dernier. En théorie, l’Etat burkinabé tente de réduire les effets indésirables de la libéralisation des marchés internationaux de matières premières. Pour éviter les fluctuations quotidiennes, le gouvernement a encaissé la hausse du prix du baril dans l’espoir que le prix baisse. Mais il n’en est rien et l’Etat, en juillet 2010, ne peut plus assurer les dépenses engagées depuis le mois de janvier. 

Quand au gaz, le ministre a noyé le poisson en blablatant sur le marché anarchique des bouteilles de gaz. Sauf que c’est le sujet qui inquiète le plus l’auditeur. En effet, le Burkina Faso rencontre un problème dans l’approvisionnement de son marché en gaz domestique.


NB du 7 septembre : Les premières bouteilles de gaz sont venues le 7 septembre. Leur distribution a entraîné quelques mouvements de foule... Les premiers signes d'une diminution trop brutale des stocks de charbon étaient visibles.


No 93 - 267 jours de captivité


Ouagadougou, le 23 août 2010, 19h 
267 jours de détention dans les pattes. Le gouvernement espagnol remercie en premier lieu le Maroc avec un communiqué du ministre de l’Intérieur en visite officielle et les gouvernements africains de la zone, formule vague du Premier Ministre Zapatero. Mais l’euphorie de la RTB ? 

267 jours de détention et une promesse de retrouver leurs proches ce soir. C’était sans compter sur la détermination de Blaise Compaoré en campagne électorale. L’hélicoptère burkinabé a donc effectué un détour par la présidence du Faso. Les deux hommes ont dû empoigner les mains de ce chef d’Etat africain, depuis 23 ans. 

Qui est Mustapha Chafi ? Quel est son lien avec le président du Faso ? Quel est le rôle respectif du Mali, du Maroc ou de la Mauritanie dans cette affaire ? On en sait peu sur ces négociations mais une chose est sûre et les Burkinabè ne sont pas dupes : ils sont nombreux les intermédiaires à être arrosés. 

Depuis les années 2000, Blaise Compaoré souhaite devenir l’homme de toutes les négociations : crise ivoirienne, transition démocratique en Guinée Conakry, AQMI. Blaise Compaoré rêve d’être le chef d’Etat africain incontournable, soutenu par les Occidentaux, dans la stabilisation de l’ancienne Afrique occidentale française. C’est une question d’image et de financement

Car, oui, chaque intervention se monnaye. Souvent plus sensibles à la vie politique et parfois inquiets pour leurs petites économies, nos amis les riches s’inquiètent des répercussions de ces prises de position. Mustapha Chafi n’est pas le bienvenu dans son pays, la Mauritanie, quelle est la nature de ses relations avec le président du Faso ? Aucun doute néanmoins que ce Monsieur ait récupéré un ou deux million(s) d’euros espagnols. 


Mais la population, dans sa grande majorité, s’inquiète. Il ne faut pas plaisanter avec Al Qaïda au Maghreb islamique. Pourquoi diable le Burkina Faso se mêle de ces histoires ? Est-ce qu’AQMI s’implante avec succès dans le Nord et l’Est du pays ? Que font les autorités burkinabé : arrestation avec sortie par la porte de derrière ? Quel est le marché réel que cachent ces agissements ? En effet, AQMI qui se balade à la frontière Nord-Est est un groupe terroriste opportuniste et le réseau d’intermédiaires qui gravite autour de quelques fanatiques est dense, les retombées non négligeables. L’individu lambda s’inquiète des mises en garde françaises, Etats-uniennes et canadiennes à leurs ressortissants parce que l’individu lambda pense profiter plus facilement de retombées économiques liées au tourisme plutôt qu’au terrorisme. Parce que l’individu lambda, malgré une culture si différente de la mienne, n’apprécie pas spécialement les voyous, il ne faut pas croire !

No 92 - Un journalisme, des journalismes


Ouagadougou, le 23 août 2010, 15h30 

Rama a un répétiteur en mathématiques. Je dis toujours un précepteur. Oui, je suis en mode société patricienne. Parce que chez nos amis les riches, le personnel domestique est très nombreux : le gardien, la domestique, la gouvernante, le(s) précepteur(s), la dame lessive, le monsieur repassage, la dame couture et le jardinier. Et d’ailleurs ça a mal fini, chez les patriciens. 

Le répétiteur ? Le répétiteur était très étonné qu’une Française vienne apprendre le journalisme au Burkina Faso. Pour lui, le journalisme a été apporté ici par les Français : le monde à l’envers en quelque sorte. 

J’avoue ne pas avoir réfléchi à la question : qui a appris le métier de journaliste à qui ? Mais j’avais cette volonté d’apprendre le journalisme africain. J’ai même eu un projet, à la rentrée 2008, de réaliser mes études de journalisme sur le continent, dans une université anglaise. 

Je crois que c’est l’effet discours de Dakar. Suite au discours de Dakar, la presse africaine produisait des analyses intéressantes au ton impertinent. Mais il est vrai qu’il s’agissait là de morceaux choisis au soin du Courrier International

La presse française et occidentale, je pense, rencontre des difficultés. « Un journaliste est quelqu’un qui lit le journal. » c’est ce que m’a dit un ami il y a peu de temps. Remarque pertinente. 

Je pensais venir au Burkina Faso et apprendre un métier de terrain. Je pensais que le journaliste burkinabé était sur le terrain, allait à la rencontre des populations, réalisait des enquêtes et des échanges moins sophistiquées, plus humaines. Et j’aurais aimé rencontrer cette liberté de ton que j’avais aperçu lors du discours de Dakar. Point de tout ça auprès des journalistes de la RTB qui répondent à une invitation, digèrent le compte-rendu de la cérémonie que l’organisateur leur a remis et qui reçoivent bien souvent un bon d'essence. 

C’est aussi une réalité du métier de journaliste au Burkina Faso. Malheureusement pour moi, je ne suis pas satisfaite dans mon apprentissage du métier.

No 91 - Vas-y, embête la Blanche


Ouagadougou, le 23 août 2010, 9h 

Ce matin, les soldats, au poste de garde, avaient décidé qu’ils ne me connaissaient pas. 

« Mais vous allez où comme ça ? Vous n’avez pas vu qu’il y a un poste de garde. » 

Non, je suis juste stagiaire depuis 4 semaines à la radio nationale. Vous avez été prévenu le 26 juillet au soir. Et je vous salue matin et soir. 

Typiquement le genre de situation que l’on rencontre quotidiennement et qui sert à se faire remarquer, à agacer les gens. Et le genre de situation qu’il devient difficile de tolérer à la sixième semaine d’un voyage en immersion.

No 90 - Cinéma ouagalais


Ouagadougou, le 22 août 2010, 18h30 

Avec Rama, nous sommes allés au cinéma, voir le film « Le code de la femme » avec les Bobostars. Autant les Suédois dans le noir sont des enfants terribles, les Burkinabè sont indomptables ! Tous comme les Suédois, ils rient, pleurent, crient, commentent mais de rang en rang. Oui, la nuance a son importance. Il est un peu surprenant d’être pris à parti au milieu du film. 

Quand au film, les différences culturelles l’ont emporté et celui-ci ne m’a guère passionné. Comme pour les séries burkinabé, le scénario fait dans la caricature et se moque allègrement des femmes et de leur volonté d’« émancipation ».