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Aujourd’hui, un agriculteur ardéchois empoche un million d’euros* chaque année, au nom des sources de la Loire

© vincentfavre
The winter ends... by © vincentfavre
Situation qui perdure depuis 2003. 

* Un million n’est qu’une estimation, probablement un peu élevée d’ailleurs puisque la fréquentation du site est estimée à 500 000 visiteurs par an, l’accès au site est de 2 euros par personne. Mais qui accepte de payer un droit d’entrée sur les sentiers du mont Gerbier de Jonc ?

En vérité, toute cette histoire est une histoire d’hommes. Les Egyptiens furent forts désappointés apprenant que leur Nil ne prenait pas sa source sur leur vaste territoire. Les Ethiopiens ont par la suite jalousé un Nil blanc, rabaissant leur Nil bleu au rôle de source secondaire. Et ce Nil blanc est-il issu du lac Victoria, vaste pièce d’eau aux rives divisées par trois Etats ? Rien n’est moins sûr et le Rwanda s’enorgueillit de posséder LA source du grand fleuve africain. 

La Loire, c’est pareil. A plus grande échelle. Ici les familles Ceyte et Champel parmi d’autres, mènent leur combat pour authentifier, attester, légaliser, certifier un filet d’eau. Les communes de Sainte-Eulalie et de Saint-Martial s’en frottent les mains. Qui récupéra les sources de la Loire ? 

Dans l’agitation qui règne depuis la fin du XIXe siècle en ces contrées ardéchoises, Monsieur René Ceyte a décidé, par un beau jour de printemps 2003, d’installer clôtures électriques et tourniquet autour des sentiers du mont Gerbier de Jonc. Tourniquet qu’il a largement déplacé, histoire d’agacer un peu plus Monsieur Champel lui-même propriétaire d’un restaurant qui avait donc, auparavant, pignon sur le sentier. Monsieur Ceyte a, pour compléter son plan, installé une caravane et réclame pour la montée du mont, une participation de deux euros. 

Monsieur René Ceyte est agriculteur, que dis-je, un homme d’affaires… Le Monsieur est certes propriétaire de la majorité des terrains agricoles que constituent le mont (le second propriétaire étant la mairie de Saint-Martial) mais aussi d’un restaurant, d’un gîte d’étape, etc.. 

Le mont Gerbier de Jonc est donc privé, il est vrai. Est-il protégé ? Si on veut… affaire de jugement. Le site ainsi que les sources de la Loire sont répertoriés ZNIEFF, niveau 1. En français dans le texte : Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Bien entendu, le niveau 1 est le plus faible. Ce zonage n’a aucune valeur juridique, ce n’est pas moi qui le dit mais le gouvernement lui-même : ici. Le propriétaire d’un terrain en ZNIEFF n’a aucune obligation d’ouvrir au public cette zone d’intérêt. Monsieur Ceyte pourrait refuser l’accès au mont Gerbier de Jonc. Par chance, Monsieur Ceyte aime rentabiliser les choses. Il pourrait donc installer une (des) antenne(s), une éolienne ou que sais-je, quelque chose lui rapportant de l’argent, au sommet du mont ? Oui, il le peut. Par bonheur, le sommet du pain de sucre est peu abordable aux véhicules. A quoi sert cette fichue zone d’intérêt ? En théorie, à réaliser un inventaire des espèces remarquables. Elle n’a donc qu’une valeur scientifique. Et au vu de son dernier catalogue, ici, peu de scientifiques sont venus se perdre sur le plateau ardéchois, ou, les propriétaires concernés ont refusé l’accès à la zone protégée. Monsieur Ceyte reçoit-il de l’argent, rapport à cette zone remarquable ? Non, aucunement. 

Evidemment, la situation ne plaît pas trop à nombre d’acteurs locaux, autres que Monsieur Champel. Et puis à nombre de visiteurs par la même occasion. C’est d’ailleurs un des rares sommets français, si ce n’est le seul, payant. Les sites « naturels » remarquables ne font d’ailleurs pas l’objet d’un droit d’entrée en France. C’est le parking qui est payant ! 

Il y a déjà eu des poursuites judiciaires. Les juges ont estimé que le péage ne renfermant pas l’ensemble des sources de la Loire, il pouvait se maintenir. Il y a d’autres projets. Le plus médiatisé reste celui du Conseil général mais il est encore loin de sa phase de réalisation ! Si la situation perdure, c’est principalement le fait d’un accord entre deux hommes Monsieur René Ceyte et Monsieur Alain Chauvy, le maire de Saint-Martial, autre propriétaire des terrains agricoles sur le mont. S’il est besoin de préciser, l’accord est opaque et nul ne sait où passe près d’un million d’euros chaque année.