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Journaliste en vadrouille sur les routes de France et de Navarre

No 27 - Le lac de Tengrela


Tengrela, le 24 juillet 2010, 17h 

17-19h, il s’agit là de mon moment préféré de la journée. Le ciel se charge de ces gros nuages puissants. Le soleil les colore. Les paysages très arborés de la région sur leur sol rouge prennent une teinte particulière. 


C’est aussi le moment préféré des moustiques. 


Ce soir, avec tantie Fati, nous profitons du crépuscule sur le lac de Tengrela. Les touristes ont quitté les lieux envahis par les moustiques. Les hippopotames se sont retirés.


De pirogues en pirogues, les rameurs conversent, en langue karaboro, de l’affaire du trésorier. Les pêcheurs tendent leur filet. Les nymphéas de Monet se sont refermés.

No 26 - Le Leclerc du coin


Banfora, le 24 juillet 2010, 12h 

Dans la petite épicerie de quartier… 




Sans grande surprise, les sachets de riz vendus par 50 kg et plus arrivent du Vietnam et de la Thaïlande tandis que la région est productrice de riz. 

Plus surprenant, les produits de beauté (pour femmes) sont entièrement dédiés à l’éclaircissement de la peau. Je ne m’y attendais pas.

No 25 - Et moi, qu'est-ce que je fais là ?


Tengrela, le 23 juillet 2010, 22h 


Moi, je suis une jeune fille, blanche, âgée de 23 ans. Et ma vie est réglée comme du papier à musique. 



Alors chaque projet a ses justifications, plus ou moins rationnelles, ses tenants et ses aboutissants. Et je parle le langage gestion de projet. 

Sauf que je suis partie sur un coup de tête. 

Mon parrain est Burkinabè, figure paternaliste s’il en est. Il y a encore six mois, j’avais un projet africain. Depuis toute petite, mes yeux étaient attirés par cette personne, au teint si différent de mon entourage. Pleinement consciente que mon attirance pour l’Afrique tenait à ce personnage, j’ai construit. Les premiers clubs, les lectures, l’échange avec le Sénégal… à l’université, je me suis passionnée pour les problématiques de l’Afrique de l’Est. Je m’appropriais mon propre projet

Mais les évènements m’ont rattrapé. Mon parrain est tombé de son piédestal. Toute construction était vaine, le projet Afrique, bien qu’étoffé, s’est écroulé. C’était aussi mon projet le plus ancien et le plus stable. 
« Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent. » Oscar Wilde
Il est plutôt bon qu’un piédestal s’effondre et que l’on bâtisse ses propres projets et j’ai appréhendé la transition avec une certaine excitation. 

Alors pourquoi partir ? pourquoi maintenant ? 

Je crois que le scolaire l’a emporté, pour étoffer mon dossier. Bien sûr, j’aurais pu rester en France. Je reste une fouineuse, une curieuse ; je voulais regarder ce que mon parrain, son personnage cachait : son village, sa famille, sa réalité, son pays… ce que j’avais manqué et qui réclamait cependant mon attention. Je n’aime pas tourner les pages trop vite.

No 22 - Stakeholders


Tengrela, le 22 juillet 2010, 22h 

Grand sujet qui passionne le géographe. Le village de Tengrela est riche en stakeholders

Tout d’abord, le chef de village. Seulement celui-ci réside principalement en France. Il a donc demandé à l’administration et au village d’accepter un de ses frères, qui est mort, puis un second frère, Siaka. Siaka est également chef du canton de Tengrela. Dans sa tâche, il est secondé par un conseil du chef. Ce petit comité est nommé à la discrétion du chef lui-même. 

Dans un second cercle, les villageois, âgés de plus de 21 ans, élisent un conseil villageois pour le développement. Plusieurs commissions le constituent : la santé et son centre de santé primaire et sociale (CSPS), l’éducation et ses établissements, etc. Si les femmes peuvent voter, elles sont peu nombreuses à se présenter. Souvent il s’agit de candidatures avancées par des hommes. La commission des parents d’élèves leur est ainsi laissée. 

Chaque commission a son président, son trésorier, son secrétaire. Et tout un chacun récolte sa portion du pouvoir. 

Attention à toute interprétation hâtive : les femmes ont du pouvoir dans ce village. Il ne suffit pas de dessiner un organigramme. La gestion du trésorier en est un exemple. Les femmes ont réellement décidé de la sanction à appliquer à ce jeune homme. Les hommes ont avalisé. Parce que celles-ci ont fourni un ensemble d’explications sur les agissements du trésorier, l’utilisation réelle de l’argent perdue à leurs époux, leurs frères, leurs oncles.

No 20 - La radio de l'évêché


Banfora, le 22 juillet 2010, 17h 

Au Burkina Faso, la radio nationale est complétée par des radios commerciales, des radios rurales, des radios communautaires et des radios religieuses. Et RFI, évidemment. 

La Radio Catholique Teriya (RCT) est une radio religieuse. Comme la radio Munyu, elle est née de la demande de diffusion dans un secteur assez large des informations relatives à la communauté. Elle possède un créneau FM sur un rayon de 80km. La radio, dès son origine (2007), utilisait du matériel numérique. 

Aujourd'hui, elle propose 75h d’émissions réparties sur la semaine, avec un accent particulier sur la catéchèse, la Bible, la liturgie.

No 17 - Radio Munyu


Banfora, le 22 juillet 2010, 12h 

Munyu est une association de femmes créée en 1992 dans la région de Banfora, au Sud-Ouest du Burkina Faso. En 2000, elle compte plus de 10 000 adhérents dans l’ensemble de la région des Cascades et la communication devient difficile. La radio communautaire Munyu sera alors inaugurée. 

La radio possède un rayon d’émission de 150 km depuis les hauteurs de Banfora. Radio Munyu émet de 6h à 8h, 12h à 14h30 et 16h à 22h dans la semaine et de 6h à 23h le week-end, sur les ondes FM. Ces émissions phares sont le magazine des femmes, celui de la santé et celui du monde rural

Côté matériel, la radio possède un studio, deux régies, une salle de rédaction, deux bureaux et un garage. A ce bâti d’origine s’ajoute une cantine et un dortoir pour les gens de passage. L’ensemble est géré par les femmes de l’association. Du matériel numérique vient d’arriver mais une seule formation est financée. La radio est donc à l’analogique. 

La radio propose ses émissions en 6 langues nationales (cerma, turka, jula, kar, sénoufo) ainsi que le français. 

Enfin la radio est sollicitée pour diffuser des programmes d’organismes qui achètent un créneau et une langue de diffusion. Les partenariats les plus courants se font avec Oxfam Québec et Unicef. La radio enregistre également en extérieur lors d’animations, jeux, manifestations. 

No 16 - Projet = argent


Tengrela, le 21 juillet 2010, 22h 

Les jeunes de Tengrela ont créé une association afin de pouvoir garder le contact alors qu’ils quittent leur village pour joindre un lycée. Ils souhaitent aussi promouvoir l’éducation auprès des enfants du village lorsqu’ils sont de passage durant les grandes vacances. 





Ce soir, ils sont venus converser avec le chef pour déterminer le projet de l’été. Ils pensaient au thème de la prévention du paludisme. Mon parrain leur a suggéré d’organiser un travail collectif d’assainissement des voies du village, au son du balafon. 

Les jeunes souhaitent aussi développer un système de correspondance avec des Français. C’est un projet ancien qui leur tient à cœur mais qui n’a pas vu le jour jusqu’ici. 

Membre de l’association Starting Block, j’ai pensé qu’un projet lycée pouvait convenir. J’ai moi-même participé à un système de correspondance avec le lycée Charles de Gaulle de Saint Louis du Sénégal. 

Néanmoins, je devrais être vigilante sur les termes employés. Un projet équivaut à un financement dans le jargon local et il ne faudrait pas promettre plus qu’il ne m’est possible d’offrir.


No 15 - Pour information


Tengrela, le 21 juillet 2010, 18h

Les femmes ne sont pas tressées au village. Non, elles ont une coiffure composée de petites cornes. Les cheveux sont entortillés et enveloppés d’un fil de fer.

No 14 - Portrait de famille



Tengrela, le 21 juillet 2010, 16h 

Le défunt chef du village
Mon parrain est le premier enfant de la première femme du défunt chef du village. Par conséquent, il est chef du village. Enfin presque, il vit et travaille en France, a fondé une famille en France. Il appartient à cette génération pour laquelle les parents se sont sacrifiés pour offrir au premier fils des études en France. 

Lompolo Koné
Son papa n’était pas le premier de la fratrie. Il s’agissait de Lompolo Koné, le premier ministre des affaires étrangères de la Haute-Volta. Quelque peu occupé, il a laissé sa place à son frère (un vrai). Dans cette même génération, on retrouve B Koné, un président de l’Assemblée nationale de la Haute-Volta, le papa de l’actuel ministre Léonce Koné. 

Le papa a donc épousé douze femmes et quarante enfants sont nés. Mon parrain est le plus ancien, 63 ans ; Assita, la plus jeune a 23 ans. 

Les Koné ou Tou sont des Karaboro, une ethnie du Sud-Ouest du pays. La majorité du village de Tengrela porte ce nom.

No 13 - burkinabé, Burkinabè


Banfora, le 21 juillet 2010, 12h 

Le nom propre Burkinabè qui désigne les habitants du Burkina Faso est invariable ainsi que l’adjectif burkinabé. 


No 12 - La nuit porte conseils


Tengrela, le 20 juillet 2010, 22h 

Ce soir, les gens ont pris d’assaut mon parrain, chef du village. Enfin, par intermittence, parce qu’il vit en France la majeure partie de l’année. Mais on aime à lui conserver quelques sujets brûlants pour ses vacances.


Ce soir, il s’agit d’une affaire de factures. Le château d’eau ne fonctionne pas. La société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL) a déposé le compteur en raison des factures impayées depuis le mois de novembre. Et puis le centre de santé primaire et sociale (CSPS) est lui aussi coupé d’électricité pour factures impayées. Mais dans tout ce fatras, ce qui intéresse le peuple n’est pas tant d’avoir de l’eau potable aux fontaines ou d’être soigné dans des conditions matérielles correctes mais d’agir face au trésorier du CSPS. 

Le conseil du village avait chargé le trésorier du CSPS de régler les factures du château d’eau auprès de la SONABEL. La somme de 175 000 CFA lui était confiée. Il a perdu l’argent. Seulement en début de projet, il avait gâté le château d’eau ce qui s’est révélé assez coûteux à la communauté. Seulement il a aujourd'hui une belle moto et a pu faire des travaux dans sa maison. Il effraie un peu la communauté et celle-ci souhaiterait que des sanctions soient prises à son encontre. Des sanctions dans le cadre des traditions de leur village, cela va de soi.

No 11 - Tengrela


Tengrela, le 20 juillet 2010, 19h 


Tengrela est un village et un canton du Sud-Ouest du pays. Le village n’est pas inconnu des touristes occidentaux en vadrouille au Burkina Faso. Au village, deux campements accueillent ces étrangers. Surtout, le lac de Tengrela et ses hippopotames font la joie de ces visiteurs. Chacun repart avec sa couronne de nénuphar et ses photos. 


Environ 4 500 personnes vivent dans le village central, 7 000 personnes avec l’ensemble des quartiers. L’habitat n’est pas très densifié, les quartiers assez éloignés les uns des autres. 

Plusieurs mosquées rompent le paysage, certaines sont privées. Un marché a été installé pour permettre aux femmes de vendre quelques produits au cours de la semaine. Le dimanche, elles se rendent à Banfora, proposer leur récolte de fruits, des ouvrages en rotin composés par les anciens, des nattes. Le village est équipé d’un centre de santé primaire et sociale (CSPS), d’une école et d’un collège. Le reste du bâti concerne les habitations et les tombes. Oui, parfois les tombes semblent plus accueillantes que les cases. 

Chaque chef de famille possède une concession enclose. Autour d’une cour s’agence la case de l’homme et une case pour chacune de ses femmes et leurs enfants. Parfois, un petit bâtiment a été improvisé pour les cabinets et les douches. Un autre bâtiment est consacré aux travaux de la cuisine.

No 10 - Le Burkina Faso est un pays arboré


le 20 juillet 2010, de 10h à 18h 

Ceci est ma grande découverte du jour : le paysage du Burkina Faso est très arboré. Ce ne sont pas des forêts mais un tapis très vert fait de mousses et d’herbes avec, de temps à autre, des arbres à karité, des manguiers, des anacardiers, des hennés. 

La Vita é Bella
Du Nord vers le Sud, les maïs sont plus matures car ils reçoivent sensiblement plus d’eau. Le style d’habitat et la mise en valeur agricole évoluent également. Les villages prennent une forme circulaire et non en village-rue. Les cases, rondes ou rectangulaires, ont une jolie teinte rouge. Le paysage est plus vallonné avec des collines de bauxite, souvent exploité par des compagnies étrangères. Le fleuve Comoé prend sa source dans cette région des Cascades avant de quitter le pays pour la Côte d’Ivoire. 

L’agriculture diffère : au Nord, on laboure les champs et on sème tandis qu’au Sud, on trace des sillons qui forment des courbes souvent entrecoupés d’un sillon perpendiculaire avant de semer. Ces sillons permettent de retenir l’eau durant les fortes pluies de la saison. 

Enfin la région est proche du Mali et de la Côte d’Ivoire. D’ailleurs, une voie de chemin de fer permet de lier les deux pays avec un train tous les trois jours environ.

No 9 - Descente vers le Sud


le 20 juillet 2010, de 10h à 18h 


Aujourd'hui, grand départ pour le village de mon parrain dans lequel il est chef. Nous avons pris un premier car Rakieta jusqu’à Bobo Dioulasso puis un second jusqu’à Banfora entrecoupé d’une pause repas. 

Le premier car était climatisé et RFI hurlait. Et puis, j’ai découvert les séries burkinabé, mieux qu’Amour, gloire et beauté… 


Bain de foule difficile à Boromo où les jeunes filles présentent des galettes de sésame, oignons, pommes, mangues séchées. 

Petite pause avec un riz sauce arachide. 

Le second car nous amène à Banfora avec toute une série de péages : 2 heures de route. Je n’ai pas tout à fait compris les péages. Enfin sept kilomètres en voiture pour joindre Tengrela !