Liberté d'expression au royaume de Suède

Le premier texte constitutionnel affirmant la liberté d'expression est suédois et date de 1766. Ce texte qui fait encore la fierté des Suédois et des Finnois est-il une curiosité d’un royaume dont la puissance s’amenuise depuis le règne de Charles X ? Existe-t-il une conception nordique de la liberté d’expression ? Ou bien le Freedom of Press Act est le fruit d’une circulation des droits parmi les royaumes européens au XVIIIe siècle ?
 Newspaper Dress by © Fateeva
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     De 1719 à 1772, le royaume de Suède s’essaie au parlementarisme sous les règnes de Frédéric Ier et Adolphe-Frédéric : l’« l’Ere de la liberté ». La vie politique est marquée par l’ascension des Bonnets, libéraux et pacifistes, au détriment des Chapeaux, pro-français et guerroyant avec la Russie. L’influence de la Glorieuse Révolution anglaise est indirecte. En d’autres termes, l’élite politique auprès de Stockholm et éduquée à l’université d’Uppsala est séduite par la Cour du royaume de France et c’est à travers ce prisme que l’Enlightenment anglais est dépeint. En revanche, les périphéries du royaume profitent des influences néerlandaises (et de la liberté de publication) ainsi que du centre universitaire de Göttingen (grâce aux Hanover). Les intellectuels de l’université de Turku, éloignés du centre du pouvoir, s’approprieront ainsi les idées anglaises. 

     Anders Chydenius, rédacteur du texte de loi, est un membre du clergé, peu éduqué mais grand lecteur des écrits de l’université de Turku. Son souci premier est la liberté de commerce dans le Golfe de Botnie pour ses riverains et l’abolition du privilège de la capitale. Mais les difficultés des débats l’amènent à penser que la publicité des affaires de l’Etat et la liberté d’information sont primordiaux avant toute prétention à la liberté. La victoire des Bonnets l’entraîne à Stockholm où il affine ses idées au contact d’Arckenholtz et Nordencrantz. Pour ces hommes, l’Angleterre a aboli la censure en 1694 mais aucune construction juridique positive ne garantit son retour sous quelques formes possibles. Il est ainsi essentiel d’affirmer la liberté de la presse et d’ajuster, en second ressort, des limites à celle-ci. En outre, le texte n’assure pas la seule liberté de la presse et des écrits mais défend aussi le libre accès aux documents publics. Cette particularité, dite nordique, explique par ailleurs la préférence de WikiLeaks pour ces ordres juridiques. Elle s’inscrit dans le contexte suédois du XVIIIe siècle alors que plusieurs puissances étrangères manipulent les membres des partis à grand renfort de corruption. 

     Le texte présente aussi quelques limites. Les trois premiers considérants du texte restreignent la liberté de la presse sur les dogmes religieux, la Constitution, la famille royale, le gouvernement. Avant même l’abolition de la Constitution par le jeune Gustave III, le texte montrait aussi ses faiblesses c'est-à-dire son seul attachement aux écrits et non à l’expression dans son ensemble.

Bibliographie sélective :
MANNINEN Juha, (2006), "Anders Chydenius and the Origins of World's First Freedom of Information Act", p 18-53, in The World's First Freedom of Information Act - Anders Chydenius' Legacy Today, Anders Chydenius Foundation
WEIBULL Jorgen, (1993), Swedish History in Outline, Institut Suédois, Stockholm
ZOLLER Elisabeth (dir.), 2008, La liberté d'expression aux Etats-Unis et en Europe, Dalloz : Paris

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