La mondialisation du café - le port de Marseille en 1926 par Albert Londres

© tejasjain
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Albert Londres écrit en 1926 Marseille, porte du Sud
Ce café vient de Moka. Du moins on le dit. Mais je vais vous dire ce que l’on dit. On dit que si tout le café qui vient de Moka poussait à Moka, cela se saurait. On sait tout le contraire. Moka est en Arabie, sur la mer Rouge. Le café qui vient de Moka pousse au Brésil ! Suivez-moi bien. Plutôt, suivez ce café. Il pousse au Brésil. On l’embarque sur l’Atlantique Sud. L’Atlantique Nord le berce un moment. Il passe par Gibraltar et, doucement, il s’amène sur la Méditerranée. Marseille ! On le débarque. On va le boire ? Pas si vite. Rentrez vos tasses dans le buffet. On le rembarque. Le voilà qui repart sur la Méditerranée, dans l’autre sens. Il longe les côtes de la Corse, il fend le détroit de Messine. Il se prélasse à l’abri de la Crète. A Port-Saïd, il retrouve sa chaleur natale. On le débarque. Qu’il soit sans crainte : ce n’est pas encore pour le brûler. On le rembarque. Sur un bateau khédivial, il va maintenant descendre jusqu’au bas de la mer Rouge. Lui est toujours blanc. Enfin, Moka ! 

Après un tel voyage, il a mérité de changer de linge. On le change de sac. Comme il se sent légèrement fatigué, on lui ajoute des grains de moka pour le remonter. Puis on le rembarque. Il est baptisé. Tête haute, il peut revenir à Marseille. Il est revenu. Le voici sur le quai.

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