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No 79 - Destin de femmes


Tengrela, le 14 août 2010, 17h 
The Moptop Maven

Elle a 25 ans. Elle est l’aînée ou encore la première fille de la famille. Elle est plutôt jolie puisqu’elle était bien nourrie durant son enfance. Elle a obtenu sa licence en droit, économie-gestion, pharmacie ou médecine à l’université de Dakar, ou bien à l’université du Ghana, à Accra, pour les parents ayant misé sur l’anglais. 

Mais le sacrifice familial s’arrêtera ici, et ne se poursuivra pas en Europe ou en Amérique du Nord comme pour ses camarades de la gente masculine. Elle le sait. 

Alors dans un acte désespéré, héroïque, malhabile (qui peut juger ?), elle s’accroche telle une sangsue à l’un de ses camarades. Elle brode une histoire passionnée autour de cet homme, elle se noie dans ses propres mensonges, elle aime, elle haït, elle manœuvre avec la grande famille, elle souffre. Son sésame, c’est l’enfant qu’elle obtient de cet homme, cet objet de chantage. Elle mettra cet enfant au monde seule. 

Peu importe que l’homme revienne au pays ou qu’il construise ailleurs, il sera riche. Alors elle lui extorquera des cadeaux, de l’argent pour leur enfant, pour la grande famille africaine. Elle espère seulement que son enfant soit un garçon. 

Et 35 ans plus tard ?

No 77 - Le malheur des uns fait le bonheur des autres



Bobo-Dioulasso, le 14 août 2010, 14h 

La densité des arbres augmente. Les paysages prennent une jolie couleur verte sur ces latérites. Les collines de bauxite font leur apparition. Le ciel se couvre de ces nuages gris foncés, ces corps puissants qui filtrent quelques rayons du soleil avant de se déverser en fin de journée. Le tout prend cette teinte si charmante à la région. 

Plus nous avançons, plus je m’allège de ce mal du pays qui m’entrave depuis mardi soir. Mon agressivité diminue. Je m’échappe de Ouagadougou le temps d’un enterrement.

No 76 - La roue tourne, rien ne va plus


Ouagadougou, le 14 août 2010, 7h 

A quatre heure ce matin, la maman de mon parrain, âgée de 83 ans est décédée. Rien ne va plus donc, alors que mon parrain devait retrouver le sol français ce soir.

No 74 - Portrait politique du Burkina Faso


Ouagadougou, le 12 août 2010, 17h 

Le Burkina Faso, c’est un pays gouverné par un seul homme, arrivé au pouvoir dans des circonstances obscures il y a 23 ans et qui sera réélu pour cinq ans le 21 novembre prochain. C’est un bon résumé ! Avertissement : âme européenne sensible s’abstenir

Tâchons de raisonner objectivement ce qui n’est même pas envisageable… 

Nous sommes à trois mois des élections présidentielles. Et le président du Faso tripatouille la Constitution parce que, oui, figurez-vous que lorsqu’il l’a rédigé, il s’est bêtement imposé une limite de deux quinquennats. Seulement, s’il est élu le 21 novembre, ce qui ne fait aucun doute, il ne pourrait pas se présenter en 2015 ; ce qui est somme toute bête, il n’aurait que 64 ans et 28 ans de pouvoir. Ainsi, il entame une réforme avec modification de l’article 37, gros titre de la presse au pays. Argumentation, je cite, « il faut modifier l’article 37 de la Constitution qui constitue une interférence au peuple […] le peuple doit pouvoir choisir librement son dirigeant, sans limites ; il s’agit là de la démocratie ». 

Démocratie, c’est le mot préféré des hommes politiques burkinabé. Une phrase sans ce mot n’est pas digne d’être prononcée. J’ai tout de même vérifié dans cette production particulièrement honteuse et scandaleuse qu’est le dictionnaire universel de la francophonie (genre, pauvres petits africains, nous allons nous abaisser à votre niveau avec ce dico papier glacé épais, faible volume, français simple, nombre d’entrées limitées, taille de police élevée) mais démocratie a pourtant un sens bien similaire au nôtre. Non, je m’interroge tout de même parce que j’ai un problème analogue avec un autre mot = l’intégrité, « le pays des hommes intègres », lol. Nonobstant, la démocratie, c’est ce qui se fait de mieux ici : liberté d’expression, multipartisme (il y en aurait environ 160, eh pas autant que les organisations féminines), élections libres… Arrêtons-là ma mauvaise foi et mon troisième degré (il faut bien que je me rattrape), la dernière phrase est véridique. Ainsi, qu’on ne me dise pas que la presse n’est pas libre au Burkina Faso, je vous assure qu’elle l’est. 

Dans cette réforme proposée par la plus haute instance du pouvoir, il y a également la création d’un Sénat. Et oh surprise, lorsque tu interroges quelques Burkinabè « Mais, on n’en a pas déjà un ? ». La politique n’intéresse pas les Burkinabè ou plutôt, la politique burkinabé ne les intéresse pas. En effet, la population suit de très près deux autres élections qui vont marquer cette région d’ici à la fin de l’année, l’élection guinéenne (Conakry) et l’élection ivoirienne dans lesquelles le président du Faso est médiateur. Ce qui importe aux Burkinabè, c’est la stabilité de leur pays et Blaise Compaoré assure celle-ci. Les plans sur la comète de ces belles institutions internationales, de la France ou de l’Union Européenne pour que le pays grimpe d’une place sur l’échelle de l’IDH, passant ainsi à une 160ème place… sur 169* ne les touchent guère. Peut-on les juger pour autant ?

No 72 - Paranoïa


Ouagadougou, le 11 août 2010, 23h 

Depuis ma mésaventure du taxi, je suis paranoïaque. Chaque Burkinabè pourrait profiter de ma faible expérience et connaissance du pays. Les commerçants m’agacent mais je n’ai que peu de contacts avec eux. L’essaim de jeunes hommes qui cherchent leur billet pour la France, je gère. 

Mes derniers soupçons portent sur le chef de rédaction. Il m’inscrit constamment dans les reportages politiques et demande un compte-rendu et une analyse pour chacun d’eux. En pleine période électorale, j’ai peur qu’ils emploient le nom de leur petite Frenchy pour se prononcer. Ce ne serait pas la première fois qu’un maître de stage utilise un stagiaire à des fins peu orthodoxes. Les géographes connaissent cette situation dans la cartographie, les SIG. Néanmoins, je pense que la radio pâtirait d’une telle initiative. Quel est le risque réel au Burkina Faso ? La presse est officiellement libre mais nous sommes à l’approche des élections présidentielles et le climat est plutôt incertain. Je n’ai pas relevé d’incidents seulement les journalistes s’autocensurent de manière extrême. Le Burkina Faso est très loin de la démocratie.