No 74 - Portrait politique du Burkina Faso


Ouagadougou, le 12 août 2010, 17h 

Le Burkina Faso, c’est un pays gouverné par un seul homme, arrivé au pouvoir dans des circonstances obscures il y a 23 ans et qui sera réélu pour cinq ans le 21 novembre prochain. C’est un bon résumé ! Avertissement : âme européenne sensible s’abstenir

Tâchons de raisonner objectivement ce qui n’est même pas envisageable… 

Nous sommes à trois mois des élections présidentielles. Et le président du Faso tripatouille la Constitution parce que, oui, figurez-vous que lorsqu’il l’a rédigé, il s’est bêtement imposé une limite de deux quinquennats. Seulement, s’il est élu le 21 novembre, ce qui ne fait aucun doute, il ne pourrait pas se présenter en 2015 ; ce qui est somme toute bête, il n’aurait que 64 ans et 28 ans de pouvoir. Ainsi, il entame une réforme avec modification de l’article 37, gros titre de la presse au pays. Argumentation, je cite, « il faut modifier l’article 37 de la Constitution qui constitue une interférence au peuple […] le peuple doit pouvoir choisir librement son dirigeant, sans limites ; il s’agit là de la démocratie ». 

Démocratie, c’est le mot préféré des hommes politiques burkinabé. Une phrase sans ce mot n’est pas digne d’être prononcée. J’ai tout de même vérifié dans cette production particulièrement honteuse et scandaleuse qu’est le dictionnaire universel de la francophonie (genre, pauvres petits africains, nous allons nous abaisser à votre niveau avec ce dico papier glacé épais, faible volume, français simple, nombre d’entrées limitées, taille de police élevée) mais démocratie a pourtant un sens bien similaire au nôtre. Non, je m’interroge tout de même parce que j’ai un problème analogue avec un autre mot = l’intégrité, « le pays des hommes intègres », lol. Nonobstant, la démocratie, c’est ce qui se fait de mieux ici : liberté d’expression, multipartisme (il y en aurait environ 160, eh pas autant que les organisations féminines), élections libres… Arrêtons-là ma mauvaise foi et mon troisième degré (il faut bien que je me rattrape), la dernière phrase est véridique. Ainsi, qu’on ne me dise pas que la presse n’est pas libre au Burkina Faso, je vous assure qu’elle l’est. 

Dans cette réforme proposée par la plus haute instance du pouvoir, il y a également la création d’un Sénat. Et oh surprise, lorsque tu interroges quelques Burkinabè « Mais, on n’en a pas déjà un ? ». La politique n’intéresse pas les Burkinabè ou plutôt, la politique burkinabé ne les intéresse pas. En effet, la population suit de très près deux autres élections qui vont marquer cette région d’ici à la fin de l’année, l’élection guinéenne (Conakry) et l’élection ivoirienne dans lesquelles le président du Faso est médiateur. Ce qui importe aux Burkinabè, c’est la stabilité de leur pays et Blaise Compaoré assure celle-ci. Les plans sur la comète de ces belles institutions internationales, de la France ou de l’Union Européenne pour que le pays grimpe d’une place sur l’échelle de l’IDH, passant ainsi à une 160ème place… sur 169* ne les touchent guère. Peut-on les juger pour autant ?

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