le 28 septembre 2008, excursion touristique dans l'archipel de Stockholm |
« On sait bien ce que c’est Erasmus : la vingtaine, sous un prétexte d’études, des jeunes partis vivre ! Sortir, boire, s’aimer… loin de papa maman… Le voyage, l’aventure ? Pff en Europe ! » Route de Rennes, Nantes, assise au volant de la 207, demain, je passerai mon permis de conduire dont mon interlocuteur, moniteur d’auto-école a su avancer la date. Dans quinze jours, je débuterai mon séjour Erasmus, direction Stockholm, la Suède.
Stockholm, le 6 avril 2009,
Et pourtant, j’ai voyagé… 10 mois plus tard, quelques 150 lettres dont tu es la principale destinataire, ma grand-mère également.
C’est il y a fort longtemps que le voyage a débuté. C’est au cœur de l’enfance, au pays du Père Noël, des rennes, une lumière basse mais puissante se reflétant sur de la neige. L’aventure se trouvait « A la croisée des Mondes » dans les livres de Philip Pullman. Et puis la réalité, la réalité est universitaire, novembre 2007, un blocus d’étudiants qui me laisse face à une bibliothèque, des livres. Mais aussi une ambiance, des professeurs fatigués refusant de nous « sortir », nous, géographes de seconde année de licence, n’ayant appris qu’assis sur une chaise. C’est dans ce contexte que la décision s’est précipitée : je réaliserai ma troisième année de licence de géographie à l’université de Stockholm à l’aide du programme Erasmus.
En tant que géographe, j’ai entamé le voyage par la Géographie Universelle. J’ai poursuivie par une base de données, celle de la bibliothèque universitaire de Nantes puis par celle de la médiathèque. Les informations étaient plutôt maigres, anciennes. J’ai donc voyagé au travers du regard de Selma Lagerlöf dans un vol d’oies sauvages.
le 18 octobre 2008, les couleurs de l'automne au château d'Ulriksdal situé à 100 mètres de la résidence étudiante Kungshamra |
L’aventure Erasmus ! C’est certes dotée d’un téléphone portable, d’un ordinateur portable, que je suis partie, mais aussi seule, naïve, la tête emplie de rêves, d’attentes que j’ai pris un train puis un avion pour arriver à Stockholm Arlanda, aéroport international aux environs de 22 heures. 22 heures, seule, 20 kg de bagages, mon année… s’apercevant soudain que les jeunes gens rencontrés en trois clics sur Facebook ne sont pas là, que ce sont eux qui avaient réservé la première nuit… « Papa, maman ! ». Ca sonne. « J’ai un problème. Où est-ce que je dors cette nuit ? » Deux heures plus tard, grâce à Internet, le téléphone mais également à trois rencontres déjà inoubliables, je peux dormir apaisée, toujours souriante, sur mon rêve suédois.
le 28 novembre 2008, Kista Science Building |
C’est tout naturellement par la Suède rêvée que j’ai débuté les escapades. Et puis la touriste est devenue exploratrice, après tout, la géographie débute souvent de la sorte ! C’est ainsi, armée d’un manteau, de gants, d’une écharpe et d’un bonnet que j’ai quitté le cadre naturel du parc national dans lequel se situe l’université pour la « Silicon Valley » suédoise. L’attraction principale de ce quartier périphérique réside dans sa tour « Kista Science Building » de 160 mètres, détrônée depuis sa construction par la Turning Torso de Malmö. Aux environs de 15 heures, les vendredi après-midi, tu peux demander à visiter ce haut lieu des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Je l’accorde volontiers, le Vasamuseet remporte plus de succès. C’est donc une charmante dame, ni blonde aux yeux bleus, ni très grande, qui m’a entretenue sur le pôle high-tech de la Suède. A l’aide de l’ascenseur suédois le plus rapide (6 m.s-1), j’ai atteint la terrasse, étage n°32, à 130 mètres de hauteur. La visite se poursuit, il fait un peu froid mais la discussion est plaisante. Comment aide-t-on le salarié ? En branchant sa voiture à une borne électrique environ un quart d’heure avant son départ afin d’éviter qu’il n’est à gratter les vitres de son véhicule. Ou peut-être dans un domaine plus classique, comment réussit-on à éviter la désertion du quartier en dehors des stricts horaires de bureau ? Mon interlocutrice répondait volontiers. Et c’est en ce jour que je réalisai qu’être Française était propice à quelques rencontres spécifiquement instructives sur cette société nouvellement abordée.
Certes les Suédois ne possèdent pas de carapace pour faire face au climat. Ce n’est point ce même climat qui en fit de valeureux Vikings mais un peu rudes personnages. Cependant il n’en demeure pas moins que le Suédois est difficile à approcher. Les Suédois s’appliquent à construire et entretenir une distance dans leurs relations. La règle est la même pour tous : à l’intention des « Suédois » mais aussi des étrangers dans un pays où 12% des Suédois en 2007 sont nés hors du territoire national. Il s’agit d’éviter l’intrusion dans la vie d’autrui afin d’être respecté en retour.
S’intégrer à la société suédoise est donc une question de temps. L’expérience Erasmus semblait subitement bien étroite ! Il me fallait un nouveau plan : faire de mon défaut = être Française, un véritable atout. Telle fut ma stratégie. Entre autres éléments, je me suis investie dans un échange Tandem. Ma partenaire, Darja, apprends la langue française depuis plus de cinq ans. De la France, elle a pu découvrir Paris… enfin quelques monuments, les Parisiennes et la mode, leurs blogs. Je ne correspondais peu à l’idée ! Darja n’est pas blonde, n’a pas les yeux bleus… elle est née en Lituanie et suivant sa maman, elle arrive à l’âge de treize ans en Suède. Mon idée différait notablement. C’est ainsi que les choses débutèrent.
Darja est une brillante partenaire Tandem. J’entends par là qu’elle possède une méthode infaillible ! Le point de ralliement est devant Åhlens à T-centralen, aux environs de 15 heures le vendredi après-midi ou dans le cours du week-end. De là, nous partons à l’exploration d’un coin à « fika ». « Fika » est un verbe de la langue suédoise qui n’a pas de traduction. Je pourrais te dire « allons prendre un café », « prenons une pause », « c’est l’heure du goûter » mais tout cela sonne un peu faux. Le « fika » ne possède pas d’horaire. Il se compose d’une boisson chaude, le plus souvent à base de lait : varm choklad, chaï latte, mochachino, etc. et d’une petite douceur. Il y a les classiques : la kanelbulle, la cocosbulle, l’äpletårta, le muffin, le morotskaka mais aussi des pâtisseries qui ponctuent le temps et marquent les saisons : les lussekatter pour la Sainte Lucie, les pepparkakor pour Noël, les semlor pour Mardi-Gras…
le 14 février 2009, fika för alla hjärtens dag Trosa |
C’est ainsi que nous nous sommes présentées autour d’un « fika » dans un établissement franchisé proche de Sergels Torg. Puis, nous avons joué dans le dernier café branché où se retrouve de nombreux Suédois. Nous avons débattu politique et comparé nos pays respectifs en profitant de la superbe vue d’un autre petit coin. Nous avons osé pénétrer dans un des grands lieux gastronomiques affichant un impressionnant palmarès de récompenses pour sa qualité. Nous avons tenté le café touristique sur Gamla Stan, littéralement, la vieille ville. Dernièrement, à la sortie d’une séance de cinéma « Mellan Väggerna » (Entre les murs), nous avons profité d’un lieu excentré mais présentant une clientèle plus familiale. Certains endroits sont adaptés à l’hiver et son manque de lumière. On s’y sent bien, protégé du froid l’espace d’une à deux heures. Tandis que d’autres invitent à profiter du printemps, auprès du château d’Ulriksdal par exemple. Pas un de ces lieux ne fut visité plus de deux fois. C’est au côté d’une jeune urbaine que j’ai découvert Stockholm et, comme influencée par l’ambiance de chacun de ces moments privilégiés, je me suis sentie une jeune étudiante, une Suédoise revivant au moment où les bancs publics font de nouveau leur apparition, une Européenne parcourant les capitales, une citoyenne à l’attention affutée par le dernier projet de la ville…
Alors pourquoi t’avoir écrit ? A toi, ma grand-mère, Lys, Lo … J’aimerais sans doute me justifier à l’aide d’un remarquable discours pour clore ce beau voyage. Mais serait-ce sincère ? Cela s’est fait par goût. La visite du château de Grignan précédant de peu mon départ fut sûrement source d’inspiration, qui sait ? En réalité, il me semble que je désirais partager afin d’appréhender le voyage dans son intégralité, c'est-à-dire le dépaysement, l’aventure, les rencontres mais également la distance, les nouvelles sensations, la réévaluation du soi, du chez-soi. Il s’agissait tout autant de pouvoir revenir.
Jag älskar dig, sköt om dig!
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