Face aux maigres dépêches sur les élections présidentielles burkinabé, je souhaite dresser quelques commentaires fondés sur ma courte expérience d’apprentie journaliste au Burkina Faso.
Sans grande surprise - la participation
1 778 693 de personnes se sont déplacées afin d’élire leur nouveau président, dans un pays de 14 millions d’habitants. Certes « le scrutin était plié d’avance », formule récurrente de la presse ; surtout les Burkinabè ont une culture politique très faible : ils ne connaissent pas leurs institutions. Leur faible mobilisation au cours de la campagne électorale cet été était manifeste.
La question du rapport entre le nombre de votants et le nombre d’inscrits est, en revanche, plus inquiétante. S’inscrire sur les listes électorales demande un effort réel. Il est donc illogique de s’inscrire puis de renoncer à ce droit de vote. Plus certainement, l’impression des cartes électorales et de la Carte Nationale d’Identité (CNI) n’a pu être assurée à temps. La question était soulevée cet été. Il s’agit d’une grave carence pour un régime « démocratique ».
Sans grande surprise – la réélection de Blaise Compaoré
80,2% des voix au premier tour, il ne laisse guère de marges à ses rivaux. Je fus plus surprise par le second score de 8,2% qui revient à Hama Arba Diallo et non au Me Sankara, arrivé second lors des élections de 2005. Celui-ci m’avait semblé plus actif sur le front médiatique au cours de l’été 2010.
Est-ce qu’il y a eu fraudes ? Je ne peux pas me prononcer. Néanmoins, les résultats ne me paraissent pas si improbables. Les candidats dits d’opposition sont en réalité des hommes politiques opportunistes qui aimeraient bien approcher ce pouvoir, cette richesse. Ils n’ont pas de programmes politiques et aucune piste pour ne serait-ce que maintenir un niveau de développement au Burkina Faso. Dans ces conditions, le bilan négatif du dernier quinquennat Compaoré (sur des critères européens mais nullement burkinabé) n’est pas un obstacle à une réélection. De plus, avec une participation si faible, il est bien difficile d’évaluer qui a voté.
Si les fraudes étaient avérées, elles traduiraient une défiance du pouvoir envers la population burkinabé. Elles n’étaient nullement nécessaires pour assurer une victoire à Blaise Compaoré au soir du 21 novembre 2010. Plus que nos critères démocratiques occidentaux, elles questionneraient une relation en voie de détérioration et introduiraient un malaise dans la vie politique burkinabé.
Sans grande surprise – les discours
Ainsi, il est nécessaire de dépasser notre réaction première : « Mais ils se payent notre tronche ?!? » et éviter les prises de position tranchées. Non, il ne revient ni à l’Union Européenne, ni à la France d’imposer sa vision de la démocratie au Burkina Faso, d’imposer un autre homme à la tête de ce pays (elles seraient d’ailleurs bien embêter pour en trouver un). La solution prônée comporte deux biais éthiques importants : les Européens ne peuvent imposer un régime politique sur ce territoire africain ; et secondement, les Burkinabè ne peuvent pas attendre de ces puissances extrarégionales leur salut. C’est aux Burkinabè de choisir la démocratie, de l’apprivoiser, de l’assimiler ou non. Qui ne dit mot consent. Certes, l’Union Européenne et la France auraient pu montrer leur désapprobation. Est-ce un silence complaisant ? Il est avéré que les Français tout comme les Européens ont des intérêts dans la région. Et oui, la stabilité est préférée. C’est vrai, faut-il culpabiliser ?
La démocratie n’existe pas au Burkina Faso. Les Burkinabè ont tous les ingrédients (multipartisme, liberté d’expression, élections libres, etc.), les fiches techniques pour chacun de ceux-ci, la recette globale. Mais le package ne prend pas encore. Mais qui sait il prendra peut-être un jour !