WikiLeaks : de la liberté d'expression à la responsabilité des médias

Révisons le droit des médias. WikiLeaks questionne la liberté d’expression, la protection des sources du journaliste, la responsabilité des médias et le recel de violation de secret : que de beaux sujets du droit européen, international et comparé.
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     Un fondateur, citoyen australien, des serveurs un peu partout, d’Amazon.com à la France, la Suisse, et surtout la Suède, une organisation à but lucratif avec une société islandaise… ou le casse-tête juridique pour arrêter ce flux d’information.

     Je vous conseille ainsi la lecture de l’A propos du site dans lequel l’article 19 de la DUDH (1948) est cité : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit […] ». La DUDH, précédé de la Charte des Nations unies (1945), n’est qu’une déclaration et il faut donc s’intéresser au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et son article 19 §2 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». Dès le §3, des restrictions à ce droit sont introduites : « […] comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires : 
a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; 
b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. ». L’article 20 du même texte énumère d’autres restrictions. 

     Seconde échelle d’analyse, le Conseil de l’Europe, Wikileaks semble particulièrement apprécier son droit et surtout la jurisprudence de la CEDH. La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950) inscrit la liberté d’expression dans son article 10 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière » et les restrictions qui l’accompagne §2 « L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. […] ». La protection des sources du journaliste consacrée par la CEDH est tirée de ce même article 10. 

     Par la suite, Wikileaks peut se réfugier derrière des droits nationaux. On se souvient de la réforme en cours relative à la protection des sources journalistiques en Islande, largement influencée par l’organisation. Et la Suède qui abrite des serveurs conséquents et le lien au Parti Pirate. 

     Le but du jeu est donc d’arrêter le flux d’information Wikileaks sous le chapitre, la responsabilité des médias

Quels textes juridiques peuvent-être mobilisés ? 

     Bien que Wikileaks dévoile de nombreux documents, l’organisation affectionne particulièrement les productions américaines, droit Etats-unien ? Seulement le préjudice subi est un peu partout. S’il est cantonné aux ambassades américaines, on pourrait à la rigueur faire valoir un droit extraterritorial. Mais les seules victimes des derniers mémos se retrouvent aussi parmi les informateurs, volontaires ou non, de ce personnel diplomatique Etats-unien. Ce qui implique du droit national de chacun de ces pays. Ou alors, on pourrait utiliser la loi du pays émetteur. Qui est le pays de présence physique des serveurs ou l’Islande, siège de la société Sunshine Press Productions ? On pourrait aussi imaginé mobiliser la loi du pays de résidence de la personne mise en cause, l’Australie de Julian Assange ? 

Dans quelles juridictions avancer sa requête ? 

     Admettons que vous ayez choisi vos textes de référence, la juridiction n’en découle pas. Habituellement, il est préférable d’introduire sa requête dans la juridiction du défendeur parce que la peine d’amende (pénal) ou la condamnation à dommages et intérêts (civil) sera plus facilement exécutable. Le juge peut mobiliser une ou des lois étrangères. On pourrait aussi introduire une requête sur le lieu de la faute ou celui (ou ceux) du dommage. 

     Ainsi, il est sacrément plus simple d’attaquer le fondateur Julian Assange pour agressions sexuelles : les termes sont moins équivoques et les droits nationaux plus harmonisés (à l’exception des statuts personnels du droit musulman mais je doute que Julian Assange y trouve refuge).

Glossaire :
CEDH = Cour Européenne des Droits de l'Homme qui siège à Strasbourg dans le cadre du Conseil de l'Europe, à ne pas confondre avec la Cour de Justice de l'Union Européenne
DUDH = Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
NU = Nations Unies

Bibliographie sélective :
DERIEUX Emmanuel, (2006), Droit de la communication - Droit européen et international (recueil de textes), Victoires Editions : Paris
DERIEUX Emmanuel, GRANCHET Agnès, (2010), Droit des médias - Droit français, européen et international, LGDJ : Paris

A propos du droit suédois, du Parti Pirate et de Pirate Bay, suivre la chronique de SverigesRadio (de langue suédoise).

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